Mardi 13 mai, la journée d'action contre le projet de réforme des retraites du gouvernement Raffarin fut le théâtre d’une vigoureuse mobilisation avec de forts taux de grévistes, notamment dans les transports ferroviaires et aériens, ainsi que de nombreux cortèges. On inventoriait, selon les syndicats, sur une cinquantaine de villes plus d’un million et demi de réfractaires, au moins 850 000 selon la police. Ce Lundi 19 mai, s'annonce une mobilisation certainement équivalente. L’évolution démographique impose de reformer le système de retraite, et cette fois ci, le secteur public est dans le collimateur. Tout le monde risque donc de devoir « gagner leur pain à la sueur de leur front jusqu'à ce que nous retournions à la terre » (Genèse 3-19) ou « palper » des pensions dérisoires. Or, il ne sera pas possible de maintenir le pouvoir d’achat des retraites sans augmenter les cotisations.
Bonne nouvelle, mauvaise nouvelle… ?
S’il faut reformer le système de retraite français par répartition, c’est dans un premier temps en raison d’une bonne nouvelle : papy et mamie vivent plus longtemps en bonne santé. A ce fait s'adjoignent les effets du départ graduel à la retraite des enfants du baby boom (de 1945 à 1970), tandis que la population active des prochaines années sera issue de générations moins prolifiques. Les décennies 80 et 90, en clin à une crise latente, ont vu les ménages français sombrer dans une neurasthénie peu stimulante pour les nouvelles maternités(futurs cotisants).
Notre système de retraite fonctionne autour d’un principe simple, dit de répartition : les pensions versées aux retraités sont financées par les cotisations versées par les actifs. Delors que le nombre de retraités augmente par rapport au nombre d’actifs cotisants, le système doit nécessairement s’adapter.
En quoi consiste le projet de loi Fillon ?
Ce texte de 82 articles développe 4 orientations fortes :
L’alignement de la durée de cotisation du secteur public (37.5 ans) sur le secteur privé (40 ans) en 2008. A partir de cette échéance, la durée de cotisation des secteurs privés et publics rallongera jusqu'à 41 ans en 2012, 42 ans en 2020. Les syndicats grondent…
Afin de financer les retraites des quinze prochaines années, une augmentation des cotisations retraites « de 2% à 3 % » à partir de 2008, jusqu'en 2020 est envisagée par M. Fillon. Le ministre a expliqué que cet accroissement de cotisation serait assujetti à la réduction des cotisations chômage espérée du fait du « retournement démographique ». En effet, les départs massifs à la retraite des premières générations de baby-boomers à partir de 2005 devraient mécaniquement diminuer le chômage, et de surcroît les indemnités chômeurs.
À propos des basses pensions, le ministre présente la formule « au moins 75 % du SMIC » pour les travailleurs ayant accompli leur carrière à ce niveau de rémunération, soit à peu moins de 4500 francs par mois pour vivre en France ! Bon courage. Les autres salariés devraient briguer un niveau équivalent aux 'deux tiers de leur revenu de référence'. S'agissant des fonctionnaires, l’intégration massive des primes demandée dans le calcul des retraites est exclue.
Existe t’il d’autres alternatives ?
Pour sauver notre système de retraite par répartition, les solutions existent. Encore faut-il que tous les acteurs économiques acceptent de faire des concessions. Le gouvernement joue sur 3 variables :
-Le taux de cotisation, l´idée étant d´accroître la part du salaire versé tous les mois aux régimes en charge du versement des pensions. La marge de manœuvre est cependant limitée.
-L´âge de départ à la retraite en homogénéisant à 40 ans publics et privés et dans un second temps augmentant ce nombre d´années à cotiser des deux secteurs d´au moins 2 ans. Mais comme nous le voyons avec ces manifestations de grandes ampleurs, cette mesure accouchera, si elle accouche, dans la douleur
-.Le montant des pensions versées au risque d´altérer sérieusement le pouvoir d´achat des personnes du 3ème âge et pousser certains retraités dans l´indigence monétaire.
Il reste toutefois une variable clé médiatiquement peu abordée : le nombre de cotisants. Pour l’accroître, nous devons impérativement réduire le taux de chômage (actuellement à 9.3% de la population active et en perpétuel augmentation), accroître l´employabilité catastrophique des personnes de plus de 55 ans et celle des femmes et, n’ayons pas peur, jouer des flux migratoires. Il faudra donc mettre fin à notre législation actuelle restrictive qui borne les entrées nettes de migrants à environ 50000 personnes/an pour un flux net moyen de l´ordre de 150000 à 250000 personnes par an. Il en va de stabilité du financement de notre système de retraite.